Le professeur agrégé des facultés de droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, historien Aram Mardirossian, dresse un parallèle historique entre la situation actuelle de l’Arménie et l’invasion turque de 1071, sous l’Empire Byzantin. Selon lui, le chef du Kremlin, comme l’empereur Basile II, prend le risque de favoriser l’expansion turque en délaissant l’Arménie, rapporte Le Figaro.
“Pendant de nombreuses années Vladimir Poutine a fourni des armes à Bakou avant de laisser les Arméniens seuls face aux Turco-azéris”, affirme l’historien. D’après lui, Poutine punissait ainsi les Arméniens “qui, depuis 2018, avaient exprimé des velléités de rapprochement avec l’Occident sous la direction de Nikol Pachinian”.
Il souligne que Poutine a renforcé sa position dans le Caucase du Sud en déployant 2 000 casques bleus russes au Karabakh.
“Las, laisser l’Arménie à ce point affaibli face à ses ennemis mortels, dont l’objectif final est de l’anéantir entièrement, constitue une grave erreur pour les intérêts de Moscou. Il apparaît chaque jour un peu plus clairement que les principaux bénéficiaires de la cynique manœuvre russe de 2020 sont d’abord Ankara et Bakou. Les Turcs, si longtemps après en avoir été chassés, ont pu se réincruster dans le Sud Caucase”, note Aram Mardirossian.
Mardirossian accuse Bakou d’avoir violé l’accord du 9 novembre 2020 conclu entre Pachinian et Aliyev sous les auspices de la Russie. “Ainsi, le corridor de Berdzor (Latchine) qui représente l’unique route reliant l’Artsakh à l’Arménie est bloqué depuis le 12 décembre 2022. Les pseudo-militants écologistes azéris qui avaient lancé cette action terroriste ont ensuite été remplacés par des militaires. Mieux, depuis peu, ceux-ci ont illégalement installé un poste de contrôle le long de ce corridor.”
Selon lui, “Poutine est prêt à tout pour contrer les États-Unis et ses vassaux occidentaux qui cherchent à abattre la Russie”, il fait donc alliance avec la Turquie et l’Azerbaïdjan et leur permet d’attaquer l’Arménie.
“Sans même parler de leur proximité civilisationnelle et religieuse, Poutine se fourvoie en méprisant à ce point Erevan qui constitue son seul allié structurel – certes faible – dans cette région. À l’instar de Basile II, il s’égare en croyant que l’Arménie n’est en rien utile comme contrepoids à l’expansionnisme panturque”, affirme Aram Mardirossian.
“Depuis toujours, la Turquie et l’Azerbaïdjan – qui se présentent eux-mêmes comme “deux États, une nation” sont des ennemis structurels de la Russie. Malheureusement Poutine qui semble avoir égaré ses dons de stratège quelque part en Ukraine, est dorénavant prêt à tout accepter de la part de ces “alliés” qui, en retour, n’hésitent pas à envoyer des armes à Kiev”, affirme Aram Mardirossian.
Source: Le Figaro