La victoire de Kilicdaroglu permettrait à l’Arménie de rééquilibrer le jeu diplomatique face à l’Azerbaïdjan, mais l’espoir est mince, affirme l’avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient, Ardavan Amir-Aslani, dans son article publié mercredi 24 mai dans Le nouvel Economiste.
“Le jour même du premier tour de l’élection présidentielle turque, le 14 mai dernier, se tenait également à Bruxelles la cinquième réunion depuis novembre 2020 entre les représentants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, sous l’égide du Conseil européen, en vue de parvenir à un accord sur le statut du Haut-Karabakh.
Mais si Charles Michel, président du Conseil européen, a annoncé à la fin de cette rencontre que des progrès significatifs avaient été obtenus, Nikol Pashinyan, le Premier ministre arménien, et Ilham Aliyev, le président azerbaïdjanais, n’ont confirmé aucun texte définitif”, rappelle l’avocat.
Selon lui, la mention de la superficie de l’Azerbaïdjan, d’approximativement 86 600 km², dans le cadre d’une déclaration commune où l’Azerbaïdjan comme l’Arménie ont reconnu leur intégrité territoriale respective, est le signe d’une complète capitulation de l’Arménie.
“L’Arménie semble avoir reconnu son incapacité à maintenir l’enclave sous son emprise. Aujourd’hui, sa seule ambition est d’obtenir des garanties et un éventuel mécanisme international pour éviter tout nettoyage ethnique ou expulsion forcée de la population arménienne du Haut-Karabakh.”
D’après lui, Kilicdaroglu est un espoir pour l’Arménie. “Kemal Kilicdaroglu apparaît en effet comme le pire candidat possible pour les intérêts de Bakou, lui qui a suscité de vives critiques de la part des autorités azéries en proposant de connecter la Turquie à la Chine via l’Iran. Imaginé comme une résurrection de la Route de la Soie, ce projet d’infrastructures routières entraînerait néanmoins un contournement de l’Azerbaïdjan, au risque de mettre à mal des relations bilatérales extrêmement profondes entre les deux pays”, note l’avocat.
“De la même manière, le candidat de l’opposition reviendrait sur le projet du corridor du Zanguezour, qui menace l’existence de la frontière commune et vitale entre l’Arménie et l’Iran, mais permettrait de relier la Turquie au monde turcophone et à l’Asie centrale. Sans remettre fondamentalement en cause une relation bilatérale ancienne, culturellement et économiquement forte avec l’Azerbaïdjan, Kilicdaroglu, par ses positions plus modérées, permettrait à l’Arménie de rééquilibrer le jeu diplomatique en sa faveur face à Bakou, voire de renégocier favorablement l’avenir du Haut-Karabakh”, estime Ardavan Amir-Aslani.
“Compte tenu de la forte probabilité de voir le président sortant réélu, le dossier du Haut-Karabakh n’est donc promis à une issue favorable ni pour l’Arménie, ni pour les Arméniens de l’enclave. Alors que l’Arménie comme l’Azerbaïdjan demeurent fermes sur leurs positions respectives – garanties pérennes sous égide internationale pour Erevan, refus d’une ingérence étrangère pour Bakou – l’impasse, et l’instabilité chronique dans le Caucase, demeurent les perspectives les plus probables”, conclut l’auteur de l’article.
Source: Le nouvel Economiste