Ardavan Amir-Aslani, avocat et spécialiste du Moyen-Orient, revient sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans son article, publié dimanche 5 mars, sur le site d’information Atlantico.
“De plus en plus critiquée pour son inaction dans le Caucase, alors que le blocus du corridor de Latchine qui isole le Haut-Karabakh du reste du monde entame son troisième mois, la Russie ne pouvait plus se permettre de demeurer aux abonnées absentes. La visite de Sergueï Lavrov en Azerbaïdjan en dit d’ailleurs long sur le positionnement du Kremlin dans sa traditionnelle zone d’influence”, affirme Ardavan Amir-Aslani.
“La guerre en Ukraine cristallise toute l’ambivalence de l’Azerbaïdjan face à son allié russe”, estime l’avocat. Il fait remarquer que Bakou se prononçait pour le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine, tout en s’abstenant de voter les résolutions onusiennes contre la Russie.
Lors de la rencontre, en dehors de la discussion d’un “méga-projet” de corridor nord-sud pour augmenter le fret russe via l’Azerbaïdjan en direction de l’Iran et du Golfe Persique, Sergueï Lavrov et Ilham Aliyev sont restés très “évasifs”, rapporte l’auteur de l’article.
Selon lui, ce qui unit l’Azerbaïdjan et la Russie et a motivé la venue de Lavrov à Bakou, c’est “leur méfiance envers l’ingérence des Européens dans le Haut-Karabakh” et le soutien ces derniers à l’Arménie.
Il souligne que l’Arménie ne fait plus confiance à la Russie, “depuis qu’elle a failli à ses obligations conventionnelles” lors de la deuxième guerre au Karabakh. “Autre manquement, l’incapacité de la force de maintien de la paix russe à empêcher le blocus du corridor de Latchine.”
Ardavan Amir-Aslani note que lors de sa visite, “Sergueï Lavrov a formellement rejeté la récente proposition de l’Azerbaïdjan sur l’organisation de check-points sur les corridors de Latchine et du Zanguezour, qui remettrait forcément en cause la présence russe sur place”.
“La Russie veut être la seule puissance gestionnaire, et maintenir une situation de crise entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie lui permet de s’imposer comme unique recours, en vertu de son historique dans la région”, note l’avocat.
“En réalité, l’internationalisation du Caucase arrange tout le monde – sauf Moscou. Si l’Arménie y voit avant tout une manière urgente de se protéger, l’Azerbaïdjan la considère comme une éventuelle opportunité pour consolider sa mainmise sur le Haut-Karabakh.
La présence des Européens pourrait en effet lui permettre d’obtenir des concessions sur le tracé des frontières dans le cadre des négociations et, in fine, de pousser la Russie hors de sa zone d’influence.
Loin de réaffirmer la puissance russe dans la région, la visite de Sergueï Lavrov en Azerbaïdjan a manqué son principal objectif et n’a fait que démontrer l’isolement de la Russie dans le Caucase, un isolement qui a aisément permis aux Occidentaux de créer, après l’Ukraine, un second front d’affaiblissement pour Vladimir Poutine”, conclut Ardavan Amir-Aslani.
Source: Atlantico