Vahé Ter Minassian, journaliste scientifique et spécialiste de l’Arménie, et Tigrane Yegavian, journaliste et spécialiste du Caucase et du Moyen-Orient, reviennent sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sur Radio France.
Vahé Ter Minassian souligne que le blocus du corridor Lachin dure depuis 62 jours. “Le 12 décembre, des “éco-activistes” azerbaïdjanais ont pris le contrôle de la seule route qui relie la région du Karabakh à l’Arménie et, ce faisant, ont coupé le Karabakh de toutes ses sources d’approvisionnement. Par ailleurs, il faut savoir que la zone est alimentée en électricité et en gaz via des territoires qui sont sous le contrôle des forces azerbaïdjanaises et que, périodiquement, il y a des coupures”.
Il note que les Arméniens ont peur de la reprise de la guerre, “cette fois-ci sur le territoire de l’Arménie”.
Vahé Ter Minassian estime que les Arméniens ne mettent pas beaucoup d’espoir sur les Occidentaux. “A part la France qui a pris une position extrêmement affirmée sur cette question, les autres pays européens sont plutôt tièdes.”
Il fait remarquer que la Turquie a des intérêts économiques en Azerbaïdjan. “Les entreprises turques sont actuellement dans les territoires reconquis par les forces azerbaïdjanaises où toutes les infrastructures ont été détruites. Les routes sont minées, il n’y a pas de maisons, et les entreprises turques interviennent sur place. Elles ont été sollicitées pour construire des aéroports, des routes, des ponts, qu’on peut voir depuis la zone arménienne, pour aller dans la ville symbole Choucha qui surmonte la capitale du Karabakh et qui a été prise par les forces azerbaïdjanaises et où on mène beaucoup de travaux pour “azerbaïdjaniser” cette ville.”
Selon Tigrane Yegavian, Bakou pratique “une forme de terrorisme humanitaire”. D’après lui, “l’Azerbaïdjan veut convertir l’avantage militaire en victoire politique”. Il souligne que l’Azerbaïdjan vise à obtenir le déblocage d’un corridor extraterritorial souverain qui transiterait par le sud de l’Arménie et qui relierait le territoire de l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan.
Yegavian fait remarquer que les Arméniens se sentent abandonnés par la communauté internationale. “Il y a une tartufferie de la part de la Commission européenne, puisque d’un côté, on diabolise le dictateur russe qui envahit le territoire souverain de l’Ukraine, et on légitime un autre dictateur. On le traite d’un partenaire fiable.”
Le journaliste note qu’Emmanuel Macron “a fait comprendre aux Arméniens qu’il ne pourra pas agir seul”.
“Si la France peut avoir un rôle positif pour faire baisser le niveau des tensions et neutraliser un peu la menace azerbaïdjanaise, il devra impérativement s’associer avec les Etats-Unis”, souligne Tigrane Yegavian. Il rappelle que jeudi 9 février, Paris et Washington ont demandé la levée “immédiate” du blocus de Latchine.
Yegavian fait remarquer que “l’Inde, qui a des intérêts avec l’Arménie, n’est pas contente de ce qui se passe parce que l’Inde a un problème avec le Pakistan qui est un allié très proche de la Turquie et de l’Azerbaïdjan”.
Source: Radio France