Le Club Le Figaro International : la communauté internationale doit-elle intervenir dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ?

Le 11ème épisode du Club Le Figaro International a été consacré à l’Arménie et au Karabakh. Invités : Dorothée Schmid, Claire Mouradian, Jean-Christophe Buisson, Jean-Baptiste Semerdjian.

Claire Mouradian, directrice de la recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), fait savoir que pendant la première guerre du Haut-Karabakh, Latchine était le seul moyen de liaison entre le Karabakh et l’Arménie. Ce corridor a été conquis au moment de la première guerre du Haut-Karabakh. “Aujourd’hui ce corridor, qui restait de la défaite de la guerre de 44 jours en 2020, qui devait garantir le passage terrestre, protégé par des forces de maintien de la paix russe est remis en cause. Le cordon ombilical entre l’Arménie et l’Artsakh est bloqué depuis le 12 décembre.”

Elle note que l’échange des corridors avait déjà été un projet en 1920 où les Anglais, qui ont été présents dans la région dans le cadre de leur intervention contre les bolchéviques, essayaient de pousser les Arméniens à échanger Karabakh et Zanguezour contre le Nakhitchevan. Claire Mouradian affirme que, “l’un des éléments du programme américain au moment de la guerre post-soviétique était également de faire un switch, mais sauf que cela enclave encore plus totalement l’Arménie, en la coupant d’Iran.”

Selon elle, les raisons de la défaite de l’Arménie en 2020 sont qu’après la défaite de la première guerre du Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan a commencé à renforcer l’armée, et les Arméniens n’avaient pas autant d’argent, il y avait aussi de la corruption en Arménie, et à cause de la crise économique beaucoup ont quitté le pays.

Dorothée Schmid, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), souligne que “l’histoire de la dispute autour du Karabakh est une histoire des déplacés des deux côtés”. Selon elle, une opportunité historique se présente aujourd’hui pour redessiner les frontières. La chercheuse affirme que la situation s’aggrave parce que les Russes ne sont pas en mesure aujourd’hui de s’occuper de cette question à cause de la guerre en Ukraine.

Elle constate qu’aujourd’hui la Turquie est beaucoup moins présente dans cette région, car ce pays est engagé dans le processus de normalisation avec l’Arménie. La chercheuse rappelle que les vols cargo ont été rétablis entre Erevan et Istanbul. “A chaque fois qu’une initiative de normalisation avec l’Arménie s’est dessinée, elle se fait, d’abord, sur des aspects économiques”, mais le problème, selon elle, c’est que “les Turcs considèrent que la reconnaissance du génocide ne fait pas partie du paquet, et que le Karabakh est azéri”.

Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro magazine, fait remarquer que l’Artsakh est une région peuplée majoritairement d’Arméniens et qui se trouve au sein de l’Azerbaïdjan. “Lorsque en 1991, l’Union soviétique s’effondre, toutes les républiques demandent leur indépendance, et à l’interne de l’Azerbaïdjan, l’Artsakh demande son indépendance. L’Azerbaïdjan devient indépendant, mais refuse que cette région arménienne au sein de l’Azerbaïdjan devienne indépendante. Un conflit déclenche. C’est le premier conflit de 1992-1994. L’Arménie gagne. L’Artsakh déclare son indépendance qui n’est reconnue par personne.”

Buisson note que depuis la guerre de 44 jours, il n’y a plus que 120 000 des 150 000 habitants de l’Artsakh. “Depuis 36 jours ils n’ont plus d’accès non seulement de l’Arménie, mais au reste du monde. Ils n’ont plus d’alimentation, de sucre, de farine, de fruits, de légumes, de cigarettes, de médicaments, d’essence. Les patients les plus graves sont évacués par la Croix Rouge. Ils n’ont quasiment plus d’électricité. Ils sont coupés du monde. Ils ne peuvent pas être ravitaillés par les airs.”

Il affirme que “le seul objectif des Azerbaïdjanais, c’est de faire partir les Arméniens de cette région”.

Jean-Christophe Buisson souligne que le lancement du corridor de Zanguezour est lié au corridor de Latchine. L’Azerbaïdjan, selon lui, va laisser le corridor de Latchine, à condition que l’Arménie ouvre le corridor entre le Nakhitchevan et l’Azerbaïdjan.

Buisson fait remarquer qu’il y a une rupture entre l’Arménie et l’Artsakh, d’un point de vue politique. Selon lui, l’Artsakh estime qu’au lieu de s’occuper du problème des Arméniens de cette région, Nikol Pachinian s’occupe de normaliser les relations avec la Turquie. C’est Ruben Vardanyan, “ministre d’État du Haut-Karabakh”, qui est en train d’organiser “la protection de son peuple”.

Le journaliste dénonce l’accord gazier entre l’UE et Bakou et estime qu’il faut sanctionner l’Azerbaïdjan. Il note que personne ne parle de l’Arménie, sauf la France.

Jean-Baptiste Semerdjian, responsable des médias sociaux au Figaro, rappelle que le 12 décembre, des militants écologistes azéris ont débarqué sur le corridor de Latchine, et se sont installés là. Il affirme que les journalistes ont relevé que les personnes qui sont sur place sont des proches du président azerbaïdjanais. Il souligne qu’aujourd’hui la Russie a presque totalement abandonné l’Arménie.

Semerdjian note que les Arméniens sont en colère depuis un siècle contre la communauté internationale qui n’a pas fait assez. Ça fait un siècle qu’on tire la sonnette d’alarme, en disant “il y a autour de nous des dangers : il y a la Turquie qui essaie de nous attaquer, il y a un voisin russe, on ne sait pas si on peut lui faire confiance ou pas”. Mais, selon lui, les réactions de la communauté internationale se limitent à des déclarations.

 

Source: Le Figaro

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