“L’Arménie et l’Artsakh au défi de la menace turque et de l’autoritarisme russe”: analyse de Laurent Leylekian

“Depuis 2020, la situation de l’Arménie dans le Caucase du Sud a radicalement changé.Malgré cela, le pays arrive à maintenir sa stabilité politique”, affirme Laurent Leylekian, analyste politique, président fondateur d’une une société de conseil en communication et en stratégie Eunoos Affaires Publiques, dans son article publié, vendredi 20 janvier, sur le site d’information Revue Conflits.

“Depuis deux ans, la situation géopolitique du Caucase du Sud a radicalement changé en défaveur des Arméniens. Sans exagération, on peut dire que cette situation est même devenue critique pour les deux entités politiques qui les représentent, la République d’Arménie bien sûr, mais aussi la République autodéterminée du Haut-Karabakh”, note Laurent Leylekian.

“Dès son élection, Nikol Pachinian s’est rendu au Haut-Karabakh pour y affirmer publiquement que “le Karabakh, c’est l’Arménie”, ce qu’aucun Arménien ne conteste, mais que les responsables précédents s’étaient prudemment abstenus de déclarer pour préserver un espace de négociation avec Bakou et pour éviter des provocations inutiles”, rappelle Leylekian.

Il affirme que la guerre de 2020, qui s’est soldée par une défaite militaro-politique majeure pour l’Arménie, a de graves conséquences pour le pays, car 120 000 Arméniens doivent désormais vivre sur le territoire réduit. La guerre a également aggravé les conditions socio-économiques, “depuis lors, une production agricole en baisse de 75%, une production industrielle en baisse de 70%, une activité de commerce et de service en baisse de 87% et une activité de BTP en baisse de 77%”.

L’analyste politique souligne que la République autodéterminée du Karabakh ne peut plus compter sur l’Arménie pour sa sécurité et dépend désormais uniquement de la présence russe. Selon lui, la route Sud censée assurer – sous contrôle russe – la liberté de circulation entre l’Azerbaïdjan et sa colonie occidentale du Nakhitchevan, est la cause de l’aggravation actuelle de la situation.

“Pour Moscou, cette route et surtout le contrôle que la Russie devrait exercer sur elle, doit lui permettre de parachever sa mainmise sur l’ensemble du Sud-Caucase. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette route n’a pas pour objectif de renforcer le contrôle de Moscou sur l’Arménie, car celui-ci est déjà presque total. Il a pour objectif de renforcer son contrôle sur l’Azerbaïdjan qui jouit encore d’une certaine marge de manœuvre en raison de la politique d’équilibre qu’il joue entre Moscou et Ankara”, explique-t-il.

Selon lui, “l’Arménie est isolée et sa situation est critique”. Il souligne que “l’Organisation du Traité de Sécurité Collective s’est montrée sourde aux appels à l’aide de l’Arménie face aux incursions azerbaïdjanaises”. Laurent Leylekian note que “le prestige et la popularité de Poutine et de l’État russe en Arménie sont d’ailleurs désormais au plus bas et des manifestations contre Poutine et la guerre en Ukraine sont apparues en Arménie”.

Mais d’autre part, “les Occidentaux ont été totalement écartés de la scène politique régionale au profit des seules tractations russo-turques”, fait remarquer Leylekian.

“Si la France et les États-Unis essaient de revenir dans le jeu en ressuscitant un groupe de Minsk dont ni Moscou ni Bakou ne veulent désormais, leur soutien à l’Arménie reste essentiellement moral ou déclaratoire, voire incantatoire.

En France, ni les innombrables motions de collectivités locales ou territoriales ni mêmes les résolutions remarquables du Sénat et de l’Assemblée nationale appelant à la reconnaissance de la République d’Artsakh, à des sanctions des dignitaires azerbaïdjanais, à la saisine de la Cour pénale internationale, à un soutien logistique ou militaire à l’Arménie ou à la mise en place de structures humanitaires pour l’Artsakh ne se sont pas traduites par des initiatives concrètes de l’Exécutif.

Au niveau européen, c’est bien pire puisque – obnubilée par les sanctions russes – la Commission européenne a signé un partenariat avec l’Azerbaïdjan visant à augmenter les importations de gaz azerbaïdjanais.”, note l’analyste politique. Il estime que c’est l’absence de réaction concrète de l’Occident et le soutien tacite de la Russie qui ont provoqué le blocus du corridor de Latchine.

 

Source: Revue Conflits

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