“Depuis leur défaite militaire en 2020, les Arméniens sont toujours sous la pression de l’Azerbaïdjan et de la Turquie”, affirme le journaliste Pierre Jova dans son reportage réalisé à Sotk et publié sur le site d’actualité La Vie.
“La guerre se poursuit en Arménie. Profitant des défaites russes sur le front ukrainien, Bakou multiplie les coups de main le long de la frontière pour orienter les négociations en cours avec Erevan. Devant la détermination d’Ilham Aliyev, successeur de son père Heydar à la tête de l’Azerbaïdjan depuis 2003, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, semble impuissant”, note Jova.
Il souligne que Vladimir Poutine est encore perçu par de nombreux Arméniens comme leur protecteur, mais le président russe voit son influence décroître à mesure de ses revers en Ukraine.
“L’opposition est très faible”, décrypte Alexandre Markarov, docteur en sciences politiques et directeur de la coopération internationale à l’université d’État d’Erevan. “Les gens ne soutiennent pas tant Pachinian qu’ils ne veulent pas le retour de l’ancien régime.” Certains soupçonnent Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, pressé de signer la paix, d’être prêt à sacrifier le Karabakh.
Selon le journaliste, “l’Azerbaïdjan soumet les 120 000 Arméniens du Karabakh à une pression multiforme”. Il rapporte que “des informaticiens ont commencé à donner des noms turcophones aux localités arméniennes sur Google Maps”.
L’Arménie cherche des alliés et espère le soutien de la France. “Il n’est pas un pays qui s’est engagé autant que le nôtre aux côtés de l’Arménie, par tous les canaux possibles, y compris la culture et l’éducation”, nuance Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine (INP), et auteur d’un rapport commandé par Emmanuel Macron sur les chrétiens d’Orient en 2019.
“L’INP est présent auprès de nos collègues arméniens, en leur prodiguant des formations et en participant à des rénovations, comme celle du musée Erebouni, à Erevan”, détaille-t-il. “La fondation Aliph, créée en 2017 à l’initiative de la France pour soutenir le patrimoine en zone de conflit, se soucie des monuments arméniens du Karabakh.” Selon le journaliste, c’est une aide insuffisante d’un point de vue stratégique.
“La priorité de l’Arménie est de rééquiper son armée, qui était dépendante de l’assistance russe”, pointe Gor Petrossian, chercheur à l’Institut du Caucase, un think tank de relations internationales. “Comme la Russie ne peut plus aider personne, elle essaie de trouver d’autres sources.” Certains pensent qu’il faut compter sur l’Inde, qui a une attitude négative envers l’alliance entre l’Azerbaïdjan et le Pakistan, son ennemi juré.
“Si nous voulons être réalistes, tout se joue entre trois pays : Turquie, Russie et Iran”, note Alexandre Markarov. L’Iran soutient l’Arménie contre l’Azerbaïdjan, allié d’Israël, mais ce pays est aux prises avec une révolution depuis septembre 2022.
“Ne pouvant compter que sur elle-même, l’Arménie en finit presque par oublier ses atouts. D’abord, si elle est pauvre et que sa démocratie est imparfaite, la presse y est libre, et son système de santé performant attire des patients depuis l’Iran”, fait remarquer Pierre Jova.
Source: La Vie