Tigrane Yegavian : “L’Arménie, très isolée, recherche des alliés”

Tigrane Yegavian, journaliste et chercheur au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), revient sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans une interview accordée au site de l’Église catholique en France, mercredi 23 novembre.

Depuis l’automne 2022, la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan connaît un regain de tensions et d’affrontements meurtriers. En septembre 2022, l’Arménie compte 207 Arméniens tués et 8000 civils arméniens déplacés.

“En 1988, alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont encore des républiques soviétiques, un conflit surgit au Haut-Karabakh, enclave azerbaïdjanaise peuplée d’Arméniens. Le conflit meurtrier fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. En dépit d’un cessez-le-feu en 1994, les accrochages armés restent fréquents. Une “seconde guerre du Haut-Karabakh” éclate le 27 septembre 2020. Elle dure 44 jours, provoque la mort de 6500 personnes, et se solde par des pertes territoriales. 75% du territoire a été repris par Bakou”, explique Tigrane Yegavian.

“Occupée par la guerre en Ukraine, la Russie, alliée historique de l’Arménie, est affaiblie. Les Russes ont déployé 1960 hommes de maintien de la paix au Haut-Karabakh et possèdent deux bases militaires en Arménie. Si la République d’Arménie figure parmi les États signataires de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), elle n’a jamais bénéficié pour autant d’une solidarité militaire.  Par conséquent, l’Azerbaïdjan poursuit son offensive parce qu’il a ce sentiment d’impunité”, regrette-t-il.

Les Arméniens négocient avec les Azéris un traité de paix. “Sauf que les conditions sont léonines puisqu’ils réclament l’abandon du Karabakh, l’annexion d’un corridor extraterritorial qui relie l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan – exclave azerbaïdjanaise frontalière de la Turquie – où les Arméniens n’ont aucun contrôle sur ce territoire, et une délimitation de la frontière entre les deux Etats parce que cette frontière est un héritage des frontières administratives soviétiques.”

“L’Arménie, très isolée, recherche des alliés”, fait remarquer Tigrane Yegavian. “En tant que membre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire, elle appartient au “bloc russe”. Néanmoins, la Russie ne veut pas prendre position contre l’Azerbaïdjan parce qu’elle a aussi des relations étroites avec la Turquie”.

Selon Yegavian, les Arméniens du Karabakh font face à “une menace existentielle” car l’Arménie n’est plus le pays garant de leur sécurité. “Toutes les églises qui sont passées sous le contrôle des Azéris sont devenues des mosquées ou désacralisées. Nous attendons toujours que l’Unesco envoie une mission d’experts au Karabakh”, note le chercheur.

 

Source: Site de l’Église catholique en France

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