Comment la diplomatie d’Erdogan a rendu la Turquie incontournable sur la scène internationale

“Le conflit en Ukraine a mis en relief le redéploiement de la politique étrangère turque”, affirme le journaliste Mayeul Aldebert, dans son article publié dans Le Figaro, vendredi 19 août.

À Lviv, Recep Tayyip Erdogan s’est entretenu jeudi 18 août avec Volodymyr Zelensky. “Nous avons été et continuons d’être du côté de nos amis ukrainiens”, a assuré le chef d’État turc lors de cette visite.

Grâce à des négociations, la Turquie et l’ONU ont obtenu la reprise des exportations de céréales fin juillet dans le cadre d’un accord entre les parties belligérantes. “Ce véritable succès diplomatique révèle une politique étrangère turque très active”, souligne le journaliste. “Alors qu’il y a quelques années à peine, Recep Tayyip Erdogan était fustigé pour son activisme néo-ottoman dans le monde arabo-musulman, son agressivité envers le monde occidental, et en particulier son chantage migratoire et son autoritarisme intérieur. Il se présente aujourd’hui comme faiseur de paix, et dialogue avec tous.”

“Tout en faisant partie du bloc occidental, la Turquie diversifie ses alliances et est en dialogue permanent même quand les intérêts sont opposés. Les rapports de force qu’elle entretient sont maîtrisés et elle est désormais nécessaire à tous, et courtisée par tous”, résume Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et ancien ambassadeur français à Moscou.

Erdogan a entrepris de normaliser ses relations avec l’Arménie. Les deux pays, dont la frontière commune est fermée depuis presque trois décennies, ont multiplié ces derniers mois les gestes d’apaisement : levée d’embargo sur les produits turcs côté arménien, nomination d’émissaires spéciaux pour le nouveau dialogue.

Cette nouvelle politique, “qui peut se permettre de jouer les médiateurs et faiseurs de paix en assumant mieux ses responsabilités que par le passé, d’une manière moins aventureuse, mise sur un redéploiement économique, militaire et diplomatique impressionnant”, analysait récemment dans Les Échos Dorothée Schmid, spécialiste de la Turquie à l’Institut français des relations internationales.

Les relations entre la Turquie et la Russie sont liées par des liens économiques forts. Erdogan n’applique aucune sanction économique imposée par les alliés de l’Ukraine. Le dernier signe “d’amitié” en date est le “renforcement des échanges” entre les deux pays, qui a été annoncé lors d’une rencontre des deux dirigeants à Sotchi le 5 août, note le journaliste.

“Les deux pays ont une capacité à compartimenter les sujets délicats, à l’inverse des Européens avec Poutine qui ont totalement verrouillé leur relation sur le dossier ukrainien”, analyse Igor Delanoë. Avec l’Ukraine, la Turquie adopte le même comportement. La vente des fameux drones Bayraktar scelle leur amitié, ou encore la coopération autour de la production de corvettes en mer Noire. Reconnaissant le 27 février “l’état de guerre” en Ukraine, la Turquie a aussi fermé les détroits du Bosphore et des Dardanelles qui relient la mer Noire à la Méditerranée aux navires de guerre.

 

Source: Le Figaro

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