La journaliste Marie Jégo analyse les raisons pour lesquelles la Turquie participe en tant qu’arbitre à la guerre en Ukraine dans un article publié dans Le Monde, lundi 18 avril.
Les relations d’Ankara se réchauffent avec Kiev tandis qu’elles se distendent avec Moscou, note Marie Jégo.
“Nous apprécions l’appui, humanitaire, diplomatique, moral, militaire, offert par la Turquie, quand bien même elle n’applique pas les sanctions. Pour soutenir l’Ukraine, elle a fait plus que n’importe quel autre pays de l’OTAN”, explique au Monde un diplomate ukrainien en poste à Ankara, soucieux d’anonymat. “Surtout, nous lui sommes extrêmement reconnaissants d’avoir fermé ses détroits à tous les navires de guerre”, souligne-t-il.
“Des bâtiments militaires russes venus d’Extrême orient et de la flotte de la mer du Nord sont depuis plusieurs semaines en Méditerranée, s’ils avaient pu franchir les détroits, la situation aurait été toute autre”, poursuit le diplomate.
Grâce à Ankara, l’Ukraine a pu sauver Odessa, le grand port ukrainien du sud du pays. Si la Turquie n’avait pas joué son rôle de gardienne des détroits, fermant les Dardanelles et le Bosphore à tous les navires de guerre au quatrième jour de la guerre, le 28 février, la Russie aurait pu envoyer un renfort naval supplémentaire dans la zone.
La Turquie a aussi interdit les vols militaires russes dans son espace aérien, ainsi que certains vols charters Damas-Moscou, susceptibles de transporter des mercenaires syriens, appelés à la rescousse par Vladimir Poutine le 11 mars pour aller combattre en Ukraine.
“En revanche, plusieurs navires commerciaux russes, détenus par la société Oboronlogistika (logistique de défense), n’arrêtent pas de faire des allées et venues entre la mer Noire et la Méditerranée. Des mouvements inquiétants pour Kiev, qui soupçonne ces bateaux de convoyer des armes et des munitions depuis le port syrien de Tartous, où la Russie dispose d’une base navale”, souligne Marie Jégo.
Le diplomate ukranien sait que seuls les pourparlers sont susceptibles de mettre fin au conflit armé. “Les sanctions ont leur utilité mais elles ne peuvent pas arrêter la guerre.” La Turquie ne les applique pas. “Bien sûr on préférerait que la Turquie se joigne aux sanctions contre la Russie. On le dit à nos collègues turcs. Nos rapports sont très francs. Mais nous sommes réalistes, nous comprenons leur point de vue. Au lieu de les critiquer, nous essayons de les comprendre. On ne peut pas demander l’impossible.”
Source: Le Monde