En Géorgie, le dilemme du pouvoir face au prisonnier Saakachvili

L’ancien président de la Géorgie et chef du principal parti d’opposition, 53 ans, est en grève de la faim dans une prison non loin de la capitale, Tbilissi, a fait savoir Le Monde, mardi 12 octobre.

Le 1er octobre, Mikheïl Saakachvili est revenu clandestinement dans le pays après huit ans d’exil. Il entendait soutenir l’opposition à la veille d’élections locales. L’ancien président, condamné par contumace en 2018 pour “abus de pouvoir” dans un dossier qu’il juge politique, a été interpellé.

Selon son médecin, qui s’est entretenu dimanche 10 octobre avec des docteurs de la prison, son état de santé se serait toutefois dégradé depuis, au point qu’il devrait “probablement” être transféré à l’hôpital.

“Le pouvoir doit désormais gérer trois problèmes en même temps : Saakachvili en prison, les élections municipales, et la crise politique qui continue depuis un an, tout en essayant de montrer qu’il maîtrise la situation, sur fond de critiques de ses partenaires occidentaux”, analyse Olesya Vartanyan, chercheuse à l’International Crisis Group.

“Tous ceux qui votent Rêve géorgien non par idéologie mais par intérêt – parce qu’ils touchent de l’argent en échange de leur voix ou parce qu’ils sont victimes d’intimidation – ont commencé à se désolidariser”, explique Thorniké Gordadzé, chercheur à l’Institut international pour les études stratégiques (IISS). “La machine électorale qui permet à Rêve géorgien de gagner aux élections a vacillé.”

Au premier tour, le parti au pouvoir a échoué à remporter le scrutin municipal dans les grandes villes. Il a toutefois revendiqué la victoire avec 47 % des suffrages face au Mouvement national uni (MNU) (30,61 % des voix), selon la commission électorale. Plusieurs partis d’opposition ainsi que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont dénoncé des fraudes.

L’ancien président n’a pas réussi à rallier les foules autant qu’il l’espérait. Avant son interpellation, il avait appelé à manifester après les élections. L’opposition n’a même pas relayé son appel.

“Le troisième président de la Géorgie est désormais un prisonnier politique. Cela peut avoir un impact sur le deuxième tour”, assure au Monde Nona Mamulashvili, membre du MNU au Parlement. La députée a pu lui rendre visite en prison au lendemain de son arrestation. “Il est déterminé à se battre jusqu’au bout”, dit-elle.

Pour l’heure, le sort qui sera réservé à Mikheïl Saakachvili reste flou. En 2018, il avait été condamné à six ans de prison, mais nul ne sait s’il fera l’objet d’un nouveau procès. “On n’a pas de justice indépendante en Géorgie”, constate Mamulashvili. “Le gouvernement essaye de prolonger la situation avant le deuxième tour. Les gens commencent à s’inquiéter, la situation est explosive.”

De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a affirmé qu’il ferait pression pour que Saakachvili soit renvoyé en Ukraine, où il était chef du comité exécutif du Conseil national des réformes – il possède un passeport ukrainien mais avait perdu sa nationalité géorgienne. Tbilissi entend toutefois se montrer inflexible. La présidente, Salomé Zourabichvili, a exclu de gracier son prédécesseur.

 

Source: Le Monde

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