Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques, analyse les dernières décisions du dirigeant turc, dans son interview publiée dans Libération mardi 23 mars.
Selon M. Billion, “créer des situations de crise et de tension, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la Turquie est le mode de fonctionnement normal d’Erdogan. C’est un homme de coups.”
D’après le géopolitologue, le président turc dénonce la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes, pour flatter les plus conservateurs dans son électorat. “En effet, comme on a pu le voir lors des manifestations du week-end dernier dans les villes turques, la mobilisation pour les femmes a été massive. Certes, les rassemblements étaient très organisés par les opposants habituels à Erdogan, mais une partie de l’électorat de l’AKP a aussi manifesté sa déception face à la décision sur la convention”, affirme Didier Billion.
D’après lui, la politique offensive choisie par l’Etat turc pour gérer la question kurde est erronée. “On ne peut pas traiter comme “terroriste” un parti légal qui a recueilli 10% des voix aux législatives”.
M. Billion estime que “la force d’Erdogan, malgré tout, est de bien sentir les évolutions de sa société. Il réfléchit pour les deux ans qui viennent. Il saisit le moment où les tensions s’enveniment pour créer un rapport de force pouvant lui servir lors des élections de 2023.”
Evoquant la décision de démettre le gouverneur de la Banque centrale, le géopolitologue affirme qu’une partie importante de l’électorat “gagnée par l’AKP grâce à la prospérité apportée aux classes moyennes va se méfier des nouvelles orientations économiques d’Erdogan.”
Selon Didier Billion, “le principal problème pour Erdogan, aujourd’hui, c’est l’inconnue concernant ses relations avec la nouvelle administration Biden. Il se sent moins à l’aise qu’avec Trump. Pour le moment, c’est une période de test dans les rapports américano-turcs. D’où, probablement, une volonté de calmer le jeu avec les Européens et de faire baisser les tensions pour ne pas risquer de sanctions. Cela a commencé, d’ailleurs, avec la reprise du dialogue avec Emmanuel Macron”.
Source: Libération