L’Islam et modernité: l’Azerbaïdjan, l’exemple pionnier

Un article sur l’Azerbaïdjan du Docteur de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), Chercheur au CNRS, islamologue Karim Ifrak a été publié sur le site Web du journal “Musulmans en France” lundi 8 février.

Établi aux lisières des trois anciens empires, russe, ottoman et sassanide, l’Azerbaïdjan fait partie des six ex-républiques soviétiques musulmanes. 

Depuis l’effondrement de l’URSS, plus de 166 États ont établi de solides relations diplomatiques avec ce pays caucasien qui dispose, à son tour, de plus de 56 ambassades ouvertes un peu partout dans le monde. Et dans cette veine, l’Azerbaïdjan fut le premier pays musulman, et ce depuis 1992, à entretenir des relations diplomatiques avec Israël.

Pays multiethnique, multiculturel et multiconfessionnel, l’Azerbaïdjan, et ce depuis son indépendance en 1991, ne cesse d’entretenir sa tradition séculaire de tolérance culturelle et de revendiquer son attachement inconditionnel à la laïcité, héritée de l’expérience soviétique.

Comptant au nombre fort restreint des pays islamiques les plus progressistes et les plus laïcs qui soient, l’Azerbaïdjan fait également partie du cercle restreint des premiers pays musulmans à avoir offert la part belle à la modernité, aux arts et à la culture. Ainsi, sur les plans artistique et culturel, l’Azerbaïdjan porte un intérêt majeur à la musique et au cinéma. Une tendance développée à partir des années 1920, faisant du cinéma azerbaïdjanais un des pionniers au monde. Une tradition perpétuée jusqu’à nos jours, notamment, à travers le Festival international du film de Bakou, le plus grand de tout le Caucase et qui se déroule, annuellement, au cours du mois de septembre. 

L’Azerbaïdjan partage également à part égale une passion pour l’Opéra, puisque c’est à Bakou qu’est revenu l’honneur d’accueillir la première représentation de l’opéra du monde musulman. “Leyli et Medjnoun” , une œuvre originale réalisée en 1908, sous la direction d’Uzeyir Hadjibeyli (1885-1945), artiste originaire de la ville de Choucha.  Le ballet “Sept Beautés” de Gara Garayev (1918-82), joué en 1952 au théâtre national académique azerbaïdjanais d’opéra et de ballet allait jouer un rôle fondamental dans le développement du ballet dans ce pays et ouvrir une nouvelle période dans la vie de la musique azerbaïdjanaise. “La Légende d’amour”, un autre ballet à succès d’Arif Melikov (1933-2019), réalisé d’après l’œuvre de Nazim Hikmet (1901-63), lui-même inspiré de la célèbre Khamsa du grand poète Nizami Ganjavi (1141-1209). Une œuvre qui sera jouée pour la première fois en 1961 au Théâtre Kirov de Leningrad, avant de fouler les planches du célébrissime Bolchoï en 1965 et où le succès a été immédiat, tant à l’échelle de l’URSS qu’au sein de plusieurs pays d’Europe. Et enfin, “Les Mille et Une Nuits” (1979), ce ballet légendaire signé de la main du grand compositeur Fikret Amirov (1922-84), inventeur du Mugham symphonique.

Cette double passion pour les arts et la culture, conjuguée au potentiel touristique de ce pays pluriethnique, ont fait de l’Azerbaïdjan, et ce du temps de l’Union soviétique déjà, un des pays socialistes les plus visités en matière de tourisme. Une tendance qui n’a pas faibli jusqu’à présent. Grâce à ses nombreux villages-vacances nichés au cœur des somptueux paysages de plaine et de montagne, cette “Terre de feu” a accueilli, en 2019, quelque 3,17 millions de visiteurs venus du monde entier. Une fréquentation en hausse de plus de 11 % par rapport à l’année 2018. Et si l’Azerbaïdjan rencontre une demande touristique de plus en plus forte, c’est justement parce qu’il ne cesse de déployer des efforts considérables en termes de dialogue et d’ouverture sur le monde. C’est le cas notamment du “Processus de Bakou”, un événement unique qui réunit, dans la perspective de renforcer le dialogue interculturel, l’Organisation de la Coopération Islamique et les États membres du Conseil de l’Europe. Et en corroboration à cette manifestation internationale, Le Forum mondial sur le dialogue interculturel, au programme tous les deux ans, a été reconnu par des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies comme une plate-forme mondiale clé pour la promotion du dialogue interculturel. 

Sur le plan des droits des femmes, l’Azerbaïdjan fait également office de leader. Bakou avait ouvert, en 1901, les portes de sa première école musulmane pour filles et accordé, en 1902, à La Société de défense des femmes.

Sur le plan géostratégique, l’Azerbaïdjan, pays riche en hydrocarbures et stable politiquement, répond parfaitement aux critères de Bruxelles. Bakou n’a eu de cesse d’accrocher l’attention de l’un des plus importants consommateurs mondiaux d’hydrocarbures en quête perpétuelle de nouvelles sources d’approvisionnement: l’Union Européenne. Un intérêt que rien ne viendra perturber, en particulier depuis qu’une nouvelle réserve d’hydrocarbures (Shah Deniz) a été découverte en mer Caspienne (2006).

 

Source: site Web du journal “Musulmans en France

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