Khodjaly, 28 ans après: et si la France rééquilibrait sa position en reconnaissant le massacre de 1992?

Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/terrorisme et radicalisation invite le gouvernement à reconnaître le massacre de Khodjaly dans un article publié sur atlantico.fr mercredi 24 février.

C’est dans la nuit du 25 au 26 février 1992 que l’Azerbaïdjan a été confronté à l’une des pages les plus noires de son histoire récente. Le pays était fraîchement indépendant comme son voisin arménien, mais les tensions nationalistes ont donné des ailes à Erevan pour entamer la conquête de ce que l’Arménie considérait comme sienne: le Haut-Karabakh. Khodjaly, un village de 7000 âmes a été détruit par les forces arméniennes. 613 hommes, femmes, enfants, ont été massacrés cette nuit-là. Parmi eux: 106 femmes, 63 enfants et 70 vieillards. Fait rare dans ce type de situation: l’Arménie a reconnu ce massacre. Pour autant, elle a poursuivi pendant 27 ans sa politique d’occupation et continué à enfreindre le droit international, alors que le Karabakh avait été reconnu par les Nations-Unies dès 1993 comme pleinement azerbaïdjanais, à travers le vote de quatre résolutions.

Si en septembre 2020, l’Azerbaïdjan a fait le choix des armes pour libérer son territoire, c’est parce que le groupe de Minsk, coprésidé par la Russie, les États-Unis et la France, chargé de régler le conflit depuis 1992, n’est pas parvenu à appliquer le droit. Après 44 jours de combat, Bakou a récupéré ce que le droit n’avait pu lui rendre par la voie normative. 

Depuis le début du conflit, Paris a eu une position clairement pro-arménienne rompant ainsi la posture d’équilibre qu’elle se devait d’avoir, en sa qualité de coprésidente du groupe de Minsk. Bien que le président Macron ait salué en juin 2020 l’excellence des relations entre la France et l’Azerbaïdjan, et sa longue histoire depuis la présidence Mitterrand, il a tenté d’aider au retour de la paix en recevant le président arménien en octobre dernier. 

Qui plus est, le vote au Sénat, le 25 novembre dernier, d’une résolution appelant à reconnaître le Haut-Karabakh, entendons la République d’Artsakh, que personne ne reconnaît dans le monde, pas même l’Arménie, a quelque chose de surréaliste. Le chercheur pose la question “pourquoi ne pas dès lors reconnaître au moins le massacre de Khodjaly puisque même Erevan l’a fait en son temps?”

Certains pays, comme la Jordanie, la Colombie, l’Indonésie, la moitié des Etats américains, la République tchèque, ont dénoncé ce crime, parlant de “massacres”, de “crimes de masse”, de “génocide”.  Même l’Union européenne a fait un pas vers la reconnaissance. Elle s’est engagée en 2012, par le biais de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, en dénonçant le génocide de Khodjaly par les forces armées arméniennes.

L’auteur de l’article fait remarquer que l’Azerbaïdjan fait pourtant partie du Conseil de l’Europe, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, et un lycée français a été inauguré dans la capitale par le président François Hollande en 2014 en la présence du président Ilham Aliyev.

Selon Sébastien Boussois, Emmanuel Macron, ou son successeur, devra à l’avenir, en tant que coprésident du groupe de Minsk, veiller au mieux à faire respecter le droit international dans la région, et permettre au moins par la reconnaissance de ce drame de l’histoire de Khodjaly, à faciliter le retour au plus vite des réfugiés dans le Karabakh. 

 

Source: atlantico.fr 

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